Certainement l'une des sélections les plus intéressantes, avec la Quinzaine des Réalisateurs (voir prochain topic à ce sujet). Je vais faire une petite revue des films que j'ai pu voir dans cette catégorie, du dimanche au mercredi. La salle Debussy, dans laquelle était projetée les films, est spacieuse et luxueuse; le balcon est préférable pour avoir une meilleure vue; une petite montée des marches s'effectue pour y accéder (puisqu'elle se trouve dans le Palais des Festivals). Mais les films...
Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love. Je n'ai pas vu son précédent film, Tout est pardonné, qui avait été salué par la critique. Mais celui-ci m'a beaucoup plus, en dépit qu'il s'agisse d'un film français. Peut-être parce que c'est une femme derrière la caméra (c'est un préjugé, sans doute), mais il y a une vrai tendresse - maternelle - et pour le sujet du film, c'est justifié: Le Père de mes enfants est une paraphrase pour dire: Le Père de mes films, leur producteur, Etienne de Balzan, producteur indépendant et proche de la jeune cinéaste, et qui s'est suicidé après la faillite de sa maison de production. Tout le film joue ainsi, comme un hommage, sur ce rapport entre art et filiation, et Mia Hansen-Love, dirigeant des comédiens pas forcément connus mais justes, livre un film émouvant et emprunt de reconnaissance, tantôt léger, tantôt grave, mais toujours fin.
Irène, d'Alain Cavalier. Une expérience de cinéma, qui peut en dissuader plus d'un. C'est un documentaire, un journal intime. Déjà que je ne suis pas très coureur d'autobiographie, je sentais avec ce film l'écueil insupportable du narcissisme. Eh bien, point du tout. Ou de peu s'en faut. Car comme son titre l'indique, Irène n'est pas Alain Cavalier. Je dois toutefois avertir le lecteur qu'étant un fatigué, et le film tombant à l' heure de la sieste, j'ai eu du mal à suivre la première demie-heure durant laquelle je sombrais par moment dans un sommeil dont le rythme et la voix monotones d'Alain Cavalier ne parvenait pas à me sortir. Bref. Réalisateur apparemment connu et reconnu (auteur d'une certaine Thérèse sur la sainte éponyme), c'était un grand inconnu pour moi - aussi l'ai-je applaudi ppour suivre le mouvement de la salle.
Mais le film: Alain Cavalier, bientôt soixante-dix ans, revient sur la tragique histoire d'amour qu'il a eu avec Irène, dans les années 70, et qui est morte dans un accident de voiture. Ce film à la première personne est un tombeau amoureux à cette femme tant aimée, à cette Eurydice perdue, à jamais perdue. Alain Cavalier filme l'absence en revenant dans les lieux où les deux amants se sont aimés et ont vécu: le vide, le silence, sa présence qui se manifeste par sa voix, quelques reflets, des ombres, mais surtout l'absence, l'absence cruelle et persistente de la belle que l'amour ne parvient pas à faire revivre, juste à imaginer. Mais nous, nous ne voyons rien. Emouvant plus l'on s'avance, conduits par la lecture des journaux intimes de l'époque et des photos, de la remémoration des souvenirs, le film trouve son acmé dans une scène sublime: le cinéaste est seul dans un château que lui a laissé un ami pour le week-end; seul, la nuit tombe et il arpente les couloirs et sa mémoire, caméra à la main, Orphée retournant dans le Royaume des Ombres à la recherche de son Eurydice. Un chant d'amour.
Indepencia, Raya Martin. Un autre film philippin, très étrange, mais d'une réelle beauté. Tourné comme un film muet, en noir et blanc, avec cette lumière mouvante, ce cadre resseré, et ces saccades dans les mouvements des personnages, il n'en est pas moins ultra sonore et nous plonge dans une ambiance - celle de la jungle - dépaysante, exotique et pluri-sensorielle (la séquence de la tempête est de ce point de vue là remarquable). L'histoire: au début du XXème sicèle, les Américains approchent des Philippins, et une femme décide de quitter la ville et de s'installer dans la jungle avec son fils. Retour à la nature. Les années passent, le jeune homme recontre une femme, il se marie avec elle, elle tombe enceinte, la vieille meurt, l'enfant nait et grandit. Mais les Américains sont sur l'ile, et le paradis va bientôt disparaître. Peut-être un peu long, un rythme à tenir et qui ne sera pas au goût de chacun. La fin est un véritable tableau mouvant. C'est une tragédie et une expérience de cinéma d'une beauté indéniable qu'il ne faudrait louper sous aucune prétexte.
Amintiri din epoca de aur (Contes de l'Age d'or). Un film roumain et un vrai coup de coeur. Film à sketchs (6 au total, réalisés pour certains par les auteurs du film sur l'avortement qui avait reçu un prix l'année dernière - vous m'excuserez, j'ai perdu le nom) d'environ deux heures et demie relatant des légendes urbains de la période communiste - qualifiée d'âge d'or - ce film connait une réelle progression, commençant par des petits contes légers et cocasses pour s'assombrir et finir sur des récits plus cruels et satiriques. On penses aux films à sketches italiens (comme Bocaccio 70), réunissant les talents de plusieurs cinéastes, et il y a indéniablement cet esprit latin, à la fois perçant et léger, dans celui-là. Les acteurs sont bons, les histoires touchantes et amusantes. On passe vraiment un bon moment et on ne voit pas le temps passer. Avec, évidemment, en filigrane, la condamnation des ravages du communisme dans ce pays que l'on sous-estime un peu trop.
A suivre...
Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love. Je n'ai pas vu son précédent film, Tout est pardonné, qui avait été salué par la critique. Mais celui-ci m'a beaucoup plus, en dépit qu'il s'agisse d'un film français. Peut-être parce que c'est une femme derrière la caméra (c'est un préjugé, sans doute), mais il y a une vrai tendresse - maternelle - et pour le sujet du film, c'est justifié: Le Père de mes enfants est une paraphrase pour dire: Le Père de mes films, leur producteur, Etienne de Balzan, producteur indépendant et proche de la jeune cinéaste, et qui s'est suicidé après la faillite de sa maison de production. Tout le film joue ainsi, comme un hommage, sur ce rapport entre art et filiation, et Mia Hansen-Love, dirigeant des comédiens pas forcément connus mais justes, livre un film émouvant et emprunt de reconnaissance, tantôt léger, tantôt grave, mais toujours fin.
Irène, d'Alain Cavalier. Une expérience de cinéma, qui peut en dissuader plus d'un. C'est un documentaire, un journal intime. Déjà que je ne suis pas très coureur d'autobiographie, je sentais avec ce film l'écueil insupportable du narcissisme. Eh bien, point du tout. Ou de peu s'en faut. Car comme son titre l'indique, Irène n'est pas Alain Cavalier. Je dois toutefois avertir le lecteur qu'étant un fatigué, et le film tombant à l' heure de la sieste, j'ai eu du mal à suivre la première demie-heure durant laquelle je sombrais par moment dans un sommeil dont le rythme et la voix monotones d'Alain Cavalier ne parvenait pas à me sortir. Bref. Réalisateur apparemment connu et reconnu (auteur d'une certaine Thérèse sur la sainte éponyme), c'était un grand inconnu pour moi - aussi l'ai-je applaudi ppour suivre le mouvement de la salle.
Mais le film: Alain Cavalier, bientôt soixante-dix ans, revient sur la tragique histoire d'amour qu'il a eu avec Irène, dans les années 70, et qui est morte dans un accident de voiture. Ce film à la première personne est un tombeau amoureux à cette femme tant aimée, à cette Eurydice perdue, à jamais perdue. Alain Cavalier filme l'absence en revenant dans les lieux où les deux amants se sont aimés et ont vécu: le vide, le silence, sa présence qui se manifeste par sa voix, quelques reflets, des ombres, mais surtout l'absence, l'absence cruelle et persistente de la belle que l'amour ne parvient pas à faire revivre, juste à imaginer. Mais nous, nous ne voyons rien. Emouvant plus l'on s'avance, conduits par la lecture des journaux intimes de l'époque et des photos, de la remémoration des souvenirs, le film trouve son acmé dans une scène sublime: le cinéaste est seul dans un château que lui a laissé un ami pour le week-end; seul, la nuit tombe et il arpente les couloirs et sa mémoire, caméra à la main, Orphée retournant dans le Royaume des Ombres à la recherche de son Eurydice. Un chant d'amour.
Indepencia, Raya Martin. Un autre film philippin, très étrange, mais d'une réelle beauté. Tourné comme un film muet, en noir et blanc, avec cette lumière mouvante, ce cadre resseré, et ces saccades dans les mouvements des personnages, il n'en est pas moins ultra sonore et nous plonge dans une ambiance - celle de la jungle - dépaysante, exotique et pluri-sensorielle (la séquence de la tempête est de ce point de vue là remarquable). L'histoire: au début du XXème sicèle, les Américains approchent des Philippins, et une femme décide de quitter la ville et de s'installer dans la jungle avec son fils. Retour à la nature. Les années passent, le jeune homme recontre une femme, il se marie avec elle, elle tombe enceinte, la vieille meurt, l'enfant nait et grandit. Mais les Américains sont sur l'ile, et le paradis va bientôt disparaître. Peut-être un peu long, un rythme à tenir et qui ne sera pas au goût de chacun. La fin est un véritable tableau mouvant. C'est une tragédie et une expérience de cinéma d'une beauté indéniable qu'il ne faudrait louper sous aucune prétexte.
Amintiri din epoca de aur (Contes de l'Age d'or). Un film roumain et un vrai coup de coeur. Film à sketchs (6 au total, réalisés pour certains par les auteurs du film sur l'avortement qui avait reçu un prix l'année dernière - vous m'excuserez, j'ai perdu le nom) d'environ deux heures et demie relatant des légendes urbains de la période communiste - qualifiée d'âge d'or - ce film connait une réelle progression, commençant par des petits contes légers et cocasses pour s'assombrir et finir sur des récits plus cruels et satiriques. On penses aux films à sketches italiens (comme Bocaccio 70), réunissant les talents de plusieurs cinéastes, et il y a indéniablement cet esprit latin, à la fois perçant et léger, dans celui-là. Les acteurs sont bons, les histoires touchantes et amusantes. On passe vraiment un bon moment et on ne voit pas le temps passer. Avec, évidemment, en filigrane, la condamnation des ravages du communisme dans ce pays que l'on sous-estime un peu trop.
A suivre...