Panique au village - film d'animation présenté hors-compétition à Cannes

Ce film laisse perplexe. Encore pouvait-on être habitué aux films d'animation image par image comme Wallace et Gromit ou ceux de Tim Burton, encore celui-ci laisse vraiment le spectateur dubitatif. Non pas que ce premier film des belges Stéphane Aubier et Vincent Patar soit mauvais, point du tout, mais simplement parce que Panique au Village est destabilisant et bizarre, empruntant au monde de l'enfance - celui des figurines et des jouets de la ferme - tout un imaginaire en plastique coloré et à la naiveté attendrissante pour en faire une version étrange et vraiment décalée - très belge, du coup - de ce qu'un enfant peut créer dans sa chambre. Ce film, qui a nécessité, on n'en doute pas, un long et sacré travail de patience, relate l'histoire - mais y en a-t-il vraiment une? nous dirons plutôt les aventures (en effet, on a l'impression de petits épisodes mis bout à bout avec une certaine continuité, néanmoins) de Cow-Boy, d'Indien et de Cheval qui vivent sans un village où il n'y a que deux maisons; c'est l'anniversaire de Cheval et la fête tourne court car la maison est déruite : des personnages venue de la mare, aux allures d'alien, pillent les briques de la maison pour leur plaisir personnel. Après, c'est une suite de délires parfois vraiment curieux ; les personnages ne sont pas vulgaires, seulement grossiers, ordinaires, pulsionnels, et ont des comportements d'adultes, de bouseux: ils sont colériques, puérils, alcooliques; les animaux et les humains se mélangent. C'est du Toy Story sous acide. Les voix de Benoit Poelvoorde, ou de Jeanne Balibar, contribuent à donner un aspect très particulier à l'ensemble, décousu, et qui a tendance à partir dans tous les sens par moment, juste pour le plaisir de suivre une idée délirante jusqu'à l'épuisement. Les jouets sont laids dans leur traits et leurs caractères, les mouvements manquent de fluidité, plutôt saccadés, sans être trop éprouvant pour les yeux; sur le plan sonore, c'est criard, bruyant; la musique contribue à cette énergie inhabituelle: Dionysos est aux manettes; les trouvailles visuelles se succèdent, révélant beaucoup d'inventivité et d'humour; c'est pas léché dans l'ensemble, c'est juste frénétique, jubilatoire et ludique tout en étant très étrange. La question est : qui osera distribuer un tel ofni et quel pub lui fera-t-on? Car la question du public se pose. Panique au village n'est assurément pas pour les enfants, et tous les adultes n'y seront pas sensibles.