Introduction
L'expression « cinéma coréen » désigne par défintion la « production cinématographique coréenne antérieure à la scission de la Coréé, en 1948, en deux Etats ». Notre étude s'interessera au plus dynamique, le cinéma sud-coréen, dont les productions rivalisent sur son propre sol face cinéma américain. Diverses périodes divisent le cinéma sud-coréen, et sa grande diversité nous amène à considérer un cinéaste contemporain comme angle d'approche, pour mieux comprendre à la fois son oeuvre, et le cinéma sud-coréen de nos jours.
Hong Sang-soo est l'un des cinéastes coréens les plus en vue actuellement, et a su s'imposer en seulement trois films. Alors même que son oeuvre est innervée par la culture coréenne, il est impossible de négliger son inspiration européenne et américaine. Ayant vécu aux Etats-Unis, et influencé par des cinéastes français tels que Rohmer ou Bresson, son sérieux et la haute responsabilité qu'il se sent devoir supporter en tant que cinéaste, n'est pas sans rappeler l'estime tarkovskienne.
Le premier film du réalisateur porte le titre incongru de Le Jour où le cochon est tombé dans le Puit (1996). Une comédie dramatique où Hyo-Seop, un écrivain raté, est amoureux de Bo-Gyung, une femme mariée. Celui-ci est convoité par Min-Jae, ouvreuse dans un cinéma. Elle entretient financièrement l'homme qu'elle aime, mais Bo-Gyung se contente de l'argent, sans se préoccuper de cet amour-ci. Parallèllement, Pokyung soupçonne son épouse, Tong-Woo, de le tromper. C'est une comédie dramatique qui montre déjà la difficulté des rapports, ici entre des trentenaires dans un Séoul des années 90.
Dans Le pouvoir de la province de Kangwon (1998), Hong Sang-Soo s'interesse a un été. Jisook décide de partir en vacances avec ses deux amies après une histoire d'amour avec son professeur Sangkwon. Malgré le fais que Jisook soit la seule femme que Sangkwon ait aimée, il se remet de cette rupture et cherche un nouveau poste. Son voyage coïncide avec celui de Jisook... Hong sang-Soo continue avec ce second film de se détacher des règles conventionnelles de la dramaturgie, en brouillant notamment la chronologie.
Avec La vierge mise à nu par ses prétendants (2000), le réalisateur dissèque la relation entre Soo-Jung, une jeune fille de 24 ans, Young-Soo, un cinéaste pour qui elle travaille comme assistante vidéo, et Jae-Hoon, un camarade de ce dernier, qui succombe au charme de Soo-Jung. Mais la jeune femme, toujours vierge, refuse l'acte sexuel au grand désespoir de ses aspirants. Ce film va permettre au réalisateur de véritablement être reconnu comme l'un des plus grands de sa nouvelle génération, de cette nouvelle vague coréenne, mais peut-on vraiment parler de nouvelle vague coréenne ?
Dans The Turning Gate (2002), une autre comédie dramatique à Séoul, ayant encore pour thèmes le cinéma et la relation hommes femme. Gyung-soo, un bon comédien en difficulté se rend à Choonchun pour rendre visite à un vieil ami écrivain. Ce dernier lui présente Myung-sook, une danseuse. Après une soirée arrosée, la relation entre Gyung-soo et Myung-sook se précise, mais l'ami écrivain aime aussi la danseuse, sans pour autant lui avoir avoué ses sentiments. La rivalité va s'installer entre les deux hommes.
Avec La femme est l'avenir de l'homme (2004). En hiver, Munho, professeur d'art plastique, retrouve son ami Hunjoon, cinéaste pauvre qui revient des Etats-Unis. Ils partent sur les traces de Sunhwa, une jeune fille dont ils étaient tous les deux amoureux quelques années auparavant..… Après une étude relativement rapide du cinéma coréen, afin de remettre le réalisateur dans son contexte, et l'étude plus approfondie de ce réalisateur, nous analyserons plus précisemment ce film de Hong Sang-soo.
L'année suivante, il réalise Conte de Cinéma. Une jeune fille souhaite accompagner un étudiant suicidaire dans son dernier geste. Un réalisateur croise une femme qu'il croit être l'actrice du film qu'il vient de voir. Le cinéma est la thématique convergente de ces destins.
En 2008, c'est Bam Gua Nat (présenté au festival de Berlin) qui met en scène Sung-nam, un jeune peintre coréen recherché qui fuit Séoul. Il fait la connaissance de deux jeunes coréennes, à Paris, et tombe amoureux de l'une d'elles, ainsi que de la ville. Prochainement, Woman on the beach placera Moon-sook, une compositrice, entre Chang-wook, un chef décorateur, et son ami réalisateur, Joong-rae.
La même trame et les mêmes thématiques (relation homme femmes, la Corée, le cinéma) semble revenir de films en films, mais c'est surtout un style qui s'impose. En quoi Hong Sang-soo est-il un véritable cinéaste coréen ? Face à des cinéastes aux styles plus durs, violents, voire sadiques tels que Park Chan-wook (Old Boy, 2003 ; Lady Vengeance, 2005) ou Kim Ki-Duk (L'Île, 2000 ; Adresse inconnue, 2001), en quoi un cinéaste ayant vécu aux Etats-Unis et revendiquant ses attaches à Rohmer et Bresson est-il coréen ?
Son succès relativement précoce s'est accompagné d'une critique vis-à-vis de sa méthode de travail et fait de Hong Sang-soo un cinéaste particulièrement atypique, ayant un rapport au temps unique. Certains le comparent à Wong Kar Wai, d'autres à Kaurismaki, mais ces comparaisons se révèlent rapidement faibles. Son essor n'était pas isolé, et ce mouvement de nouveaux cinéastes marque pour certain une « nouvelle vague coréenne », ou la « renaissance du cinéma coréen ».
Malgré tout, aucun autre cinéaste coréen ne peut à l'instar d'Hong Sang-Soo se vanter de traiter des thèmes de l'initiation adolescente avec autant d'exhaustivité : sexe, études, travail, amitié, séparation, amour, mariage, argent, vacances, infidélités, alcool ; ayant pour fond l'écriture, la peinture, la Corée, le cinéma, qu'il connaît bien..